Des maisons de couture préfèrent organiser des présentations privées alors que d’autres multiplient les apparitions publiques sous des formats variés. Les appellations changent, parfois même d’une saison à l’autre, sans que la logique ne suive toujours les usages.Certains professionnels parlent de « catwalk » quand d’autres utilisent le terme « défilé », mais les deux ne recouvrent pas systématiquement la même réalité selon les milieux et les pays. Cette diversité reflète des évolutions dans la façon de concevoir et de valoriser les collections.
Comprendre les origines et l’évolution des défilés de mode
Au commencement, c’est Charles Frederick Worth qui change la donne à Paris au XIXe siècle. Terminé les robes muettes sur des bustes : il fait marcher de véritables femmes, en chair et en os, devant une poignée de clientes privilégiées. Le défilé de mode naît là, dans l’ambiance feutrée d’un salon.
Pendant longtemps, la maison de couture impose son rythme. De Chanel à Balenciaga, Louis Vuitton compris, chaque nom balise un territoire où la mode s’échange entre initiés, loin des flashes et des foules. Les fashion weeks n’existent pas encore. Puis le temps s’accélère. Paris pose ses règles, Milan prend son envol, New York invente son propre tempo. Dès les années 1970, la Semaine de la mode devient un rendez-vous clé : les défilés prennent de l’ampleur, les podiums se dressent, chaque silhouette se fait capturer par les objectifs.
Période | Ville phare | Figure de proue |
---|---|---|
Fin XIXe siècle | Paris | Charles Frederick Worth |
Années 1920 | Biarritz, Deauville, Paris | Gabrielle Chanel |
Années 1980-2000 | Milan, New York | Marc Jacobs, Gucci |
De nos jours, la fashion week de Milan ne regarde plus Paris avec timidité, et New York assume fièrement sa propre identité. La limite entre simple présentation et véritable spectacle se brouille. Certaines maisons proposent des performances aussi poussées que des installations artistiques. Le tempo se négocie en coulisses, la mise en scène se travaille jusqu’au moindre détail. L’historienne Florence Müller le dit sans détour : ces moments donnent à voir l’esprit d’une époque et la force d’une griffe.
Catwalk et défilé : quelles différences dans le vocabulaire et la pratique ?
Le mot catwalk s’est imposé à l’oreille des francophones en même temps que la mode anglaise et américaine s’imposait dans les médias. Il désigne ce podium surélevé et étroit, parfois impressionnant de longueur, sur lequel les mannequins avancent, marquent une pause, tournent, sous les projecteurs et les regards captifs. Sur le catwalk, chaque démarche a son style, chaque pose devient une empreinte. Des figures comme Gisele Bündchen, Kate Moss, Winnie Harlow, Jamie Brewer ou Soo Joo Park ont incarné à leur façon l’histoire de cet espace si singulier.
A contrario, le terme défilé, bien ancré dans le vocabulaire français, englobe tout le dispositif de l’événement. Voici ce que cela recouvre :
- le choix et la sélection des modèles qui fouleront la scène
- la préparation de la mise en scène jusque dans les moindres détails
- l’univers sonore qui accompagne la présentation
- la constitution du public invité à assister à l’événement
- l’attention que porte la sphère mode sur ces rendez-vous et la manière dont tout cela est commenté
Mettre catwalk et défilé sur un pied d’égalité serait aller un peu vite. Le catwalk, c’est la scène en elle-même ; le défilé, tout le récit coordonné par la maison, avec ses acteurs, sa dramaturgie, ses codes propres à chaque capitale ou créateur. Paris, Milan, New York : chacune a façonné ses rituels, chaque styliste pose sa propre grammaire du catwalk.
Les usages s’adaptent à la fashion week. Les mannequins s’enchaînent, les saisons automne-hiver défilent. Le catwalk prend des airs de théâtre, le défilé s’affirme comme un récit, sous le regard des invités ou celui des caméras disséminées à travers le monde.
Les tendances actuelles : comment les défilés et catwalks façonnent la mode d’aujourd’hui
Le défilé d’aujourd’hui ne se contente plus de dévoiler une nouvelle collection. Il compose une mise en scène entière, équilibre l’audace et l’héritage. Un jour, Chanel métamorphose le Grand Palais en forêt, en plage ou en supermarché ; Louis Vuitton envahit le Louvre, Gucci propose des duos masqués ou anonymes. Ces scénarios transforment le catwalk en expérience totale, que chacun s’empresse de partager et de commenter en temps réel.
Le public, lui aussi, a changé de visage. Influenceurs, blogueurs, passionnés de street style s’installent au premier rang, captent la moindre séquence, diffusent, analysent. La fashion week se déroule désormais en temps réel, chacun peut suivre, commenter, décortiquer chaque passage. Les marques comme H&M ou Marc Jacobs n’hésitent plus à brouiller la frontière entre haute couture, prêt-à-porter, événement VIP ou véritable show ouvert à tous.
La diversité prend place sur le podium. Les visages, les silhouettes, les origines racontent d’autres histoires que celles des années passées. Des initiatives telles que Models of Diversity ou Role Models Not Runway Models bousculent les standards et imposent d’autres références. D’où qu’ils viennent, les créateurs font évoluer les représentations. Séries à la mode, succès populaire, place grandissante de la technologie : la mode ne se réduit plus au vêtement, mais se fait le miroir d’un monde mouvant, où chaque singularité trouve sa place.
Dans les coulisses, rien ne reste figé. Défilés et catwalks ne résument jamais une seule saison : ils annoncent déjà la suivante. La scène s’invente sans cesse, repoussant encore un peu plus les limites du spectacle.